Par 7 arrêts du 17 juillet 2020, la cour administrative d’appel de Nantes confirme la légalité des décisions et titres de recettes sur le fondement desquels la société Doux SA se voit obligée de reverser les aides européennes (dénommées « restitutions ») d’un montant de près de 80 millions d’euros qu’elle avait perçues entre 2010 et 2013 pour ses opérations d’exportation de poulets congelés à destination de pays tiers à l’Union européenne, essentiellement l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, la Jordanie, le Yémen, et la Russie.
La société Doux, qui fait l’objet depuis 2018 d’une procédure de liquidation judiciaire, produit de la viande de volaille et a développé de longue date une importante activité d’exportation de poulets congelés à destination de pays tiers à l’Union européenne. Elle a bénéficié à ce titre, en vertu du droit de l’Union européenne, d’aides financières dénommées « restitutions à l’exportation ».
Entre les mois de mars 2010 et mars 2013, les services douaniers ont réalisé des contrôles physiques sur des lots de poulets congelés que la société Doux destinait à l’exportation, afin de vérifier leur conformité aux limites maximales de teneur en eau fixées par le droit de l’Union européenne. Les contrôles ayant révélé des dépassements de ces valeurs limites, l’administration en a déduit que les lots en cause ne pouvaient être regardés comme étant « de qualité saine, loyale et marchande » au sens de la réglementation européenne relative aux restitutions à l’exportation, et FranceAgriMer, organisme chargé en France de l’octroi des restitutions à l’exportation a, en conséquence, remis en cause le bénéfice des restitutions ou des avances sur restitution dont avait bénéficié la société Doux au titre des exportations concernées.
Des « titres de recettes » ont donc été émis sur la base des contrôles ainsi effectués, puis une décision de FranceAgriMer du 22 juillet 2013 a ouvert une enquête administrative et décidé de bloquer les garanties financières et les restitutions pour les dossiers déposés à partir de 2013. Sanctions comprises, le total en litige s’élève à plus de 82 millions d’euros.
La cour administrative d’appel de Nantes, saisie tantôt par les administrateurs et liquidateurs judiciaires de la société Doux et tantôt par FranceAgriMer, dont certaines décisions de compensation avaient été annulées par le tribunal administratif de Rennes, juge, pour l’essentiel, que :
1) Conformément à l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 9 mars 2017 en réponse aux questions préjudicielles posées par le tribunal administratif de Rennes, les exportations hors de l’Union européenne de poulets congelés doivent, pour être admises au bénéfice des restitutions à l’exportation, respecter les mêmes règles de teneur en eau, soit de qualité saine, loyale et marchande, que celles qui sont exigées pour les ventes sur le territoire de l’Union européenne. C’est donc à l’entreprise qui prétend obtenir le bénéfice des aides d’apporter la preuve que les produits exportés respectent ces conditions, sauf pour elle à établir que les règles sanitaires en vigueur dans les pays destinataires l’obligent à déroger aux règles européennes, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
2) La société Doux ne peut invoquer le principe de confiance légitime car l’absence de contrôle de la teneur en eau avant 2010 par les autorités ne peut être regardée comme constituant un comportement de l’administration susceptible de faire légitimement croire à l’entreprise qu’elle agissait conformément aux règles européennes.
3) Aucun droit à restitution n’étant reconnu pour les opérations d’exportation correspondant aux lots contrôlés, FranceAgriMer pouvait ordonner le remboursement des aides acquises, bloquer la libération des garanties constituées en contrepartie du versement par avance des restitutions et également récupérer la garantie constituée au moment de la délivrance des certificats de préfixation.
4) La majoration de 10% et les sanctions qui accompagnent les demandes de remboursement, qui atteignent 50% pour les aides sollicitées de bonne foi et 200% pour les aides demandées dans un esprit de fraude intentionnelle, sont jugées régulières et non disproportionnées.
5) Enfin, la cour annule, à la demande de FranceAgriMer, ceux des jugements du tribunal administratif de Rennes qui avaient annulé les compensations opérées par FranceAgriMer entre les restitutions indues et d’autres restitutions dont l’établissement était redevable envers la société Doux. En effet, en cas de procédure de redressement judiciaire, les dispositions du code du commerce ne permettent la compensation qu’entre des créances connexes, question qui fait en l’espèce l’objet d’une contestation sérieuse et doit dès lors être portée devant le juge judiciaire.