Par six arrêts du 10 janvier 2025, la cour administrative d’appel de Nantes juge que les étiquettes des boîtes de camemberts qui ne bénéficient pas de l’appellation d’origine protégée (AOP) « Camembert de Normandie », ne doivent pas, en utilisant des termes ou un graphisme qui évoquent une origine normande de ce camembert, laisser penser à tort aux consommateurs que le camembert concerné bénéficie de cette AOP.
Communiqué de presse
Nantes, le 10 janvier 2025
Le règlement n°1151/2012 du 21 novembre 2012 de l’Union européenne protège les dénominations enregistrées au titre d’une AOP contre toute utilisation commerciale directe ou indirecte au profit d’un produit plus ou moins comparable par imitation, évocation voire usurpation des indications de provenance, d’origine ou des qualités essentielles du produit susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine, nature ou composition de celui-ci. En vertu de ce règlement et du cahier des charges de l’AOP « camembert de Normandie », cette dénomination est réservée aux camemberts faits à partir de lait cru, avec moulage à la louche, le lait provenant de troupeaux comprenant au moins 50% de vaches normandes et bénéficiant d’une durée de pâturage de six mois.
A la suite de contrôles effectués par des inspecteurs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), diverses sociétés établies en Normandie et produisant ou commercialisant des fromages dénommés camemberts ont reçu, entre septembre 2021 et mai 2022, des décisions de ces inspecteurs leur enjoignant de mettre en conformité avec ce règlement les étiquetages de leurs boîtes de camemberts ne bénéficiant pas de l’AOP « camembert de Normandie », décisions qu’elles ont contestées devant le tribunal administratif de Caen, qui les a annulées.
Saisie par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie d’appels contre ces jugements, la cour administrative d’appel de Nantes juge au contraire que ces décisions étaient, pour l’essentiel, légales, au terme d’un examen au cas par cas de l’étiquetage de chacune des boîtes de camembert concernées, examen destiné à déterminer si cet étiquetage était de nature à induire en erreur les consommateurs. Tel est le cas, par exemple, selon la cour, des étiquetages mettant en évidence les termes « Normand » ou « fabriqué en Normandie » à côté du terme « camembert » ou faisant figurer le blason normand où un blason similaire à côté de ce terme.
La cour juge en revanche que des mentions telles que « élaboré avec le lait de nos producteurs normands », « camembert élaboré à partir de lait de Normandie », « lait 100% normand » ou encore « lait d’origine : Normandie », figurant en petits caractères sur l’étiquette du dos de la boîte de camembert, dès lors qu’elles n’associent la Normandie qu’à l’origine du lait entrant dans la composition du fromage et non pas directement au terme « camembert », ne pouvaient pas être interdites par l’administration. La cour confirme donc, dans cette seule mesure, l’annulation prononcée par le tribunal administratif de Caen des décisions d’injonction de modifier l’étiquetage prises par les inspecteurs de la DGCCRF.
Le coût pour les sociétés en cause de la modification des étiquetages de leurs fromages qualifiés de camemberts et l’importance de ce type de produits typiquement français, exportés vers de nombreux pays, conféraient à ce contentieux un enjeu économique important qui appelait un examen particulièrement rigoureux des arguments avancés tant par l’administration que par les entreprises.
Lien vers les arrêts n°s 24NT01091, 24NT01100-24NT01101, 24NT01118-24NT01119, 24NT01121-24NT01124, 24NT01125-24NT01127, 24NT01129-24NTT01131 du 10 janvier 2025.