La cour administrative d’appel de Nantes rejette, après régularisation par l’administration, le recours de l’association Nature et citoyenneté Crau Camargue Alpilles contre l’autorisation environnementale accordée par le préfet des Bouches-du-Rhône en vue de la construction et de l’exploitation d’un projet pilote de parc éolien flottant au large de la Camargue.
La société Parc Eolien Offshore de Provence Grand Large, filiale d’EDF Energies Nouvelles, développe au large de la commune de Port-Saint-Louis du Rhône un projet pilote de parc éolien flottant, visant à tester et valider, dans des conditions réelles d’exploitation, la technologie de l’éolien en mer flottant ainsi qu’à évaluer sa compétitivité technico-économique et ses potentiels impacts environnementaux. Ce parc a été autorisé par un arrêté du 18 février 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône.
Alors seule juridiction compétente pour le contentieux des parcs éoliens en mer (qui a depuis été transféré au Conseil d’État), la cour administrative d’appel de Nantes a été saisie d’un recours contre cette autorisation par l’Association Nature et citoyenneté Crau Camargue Alpilles (NACICCA). Par un premier arrêt du 6 octobre 2020, la cour avait considéré que l’arrêté préfectoral était entaché d’irrégularités, tenant à l’absence de l’avis conforme des conseils d’administration des parcs nationaux des Calanques et de Port-Cros, au non-respect des objectifs de conservation de trois sites Natura 2000 et, enfin, à l’absence d’obtention d’une dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces animales protégées. Toutefois, par le même arrêt, la cour avait jugé qu’il pouvait être remédié à ces irrégularités par une autorisation modificative et à la suite d’une nouvelle enquête publique.
C’est pourquoi la société Parc Éolien Offshore de Provence Grand Large, après avoir fait réaliser un complément d’étude environnementale, a déposé une demande d’autorisation environnementale modificative, qui a donné lieu à un nouvel arrêté du 28 octobre 2021 du préfet des Bouches-du-Rhône.
Statuant définitivement à la suite de cette nouvelle décision, la cour a d’abord vérifié que les parcs nationaux des Calanques et de Port-Cros avaient émis des avis conformes au projet.
Puis, prenant en compte l’étude environnementale complémentaire, les juges ont estimé qu’en ce qui concerne neuf espèces d’oiseaux migrateurs terrestres, il était possible d’exclure tout effet significatif de ce projet de parc éolien sur ces espèces, par ailleurs en bon état de conservation.
En revanche, même après la prise en compte des mesures d’évitement et de réduction prévues par l’exploitant, il subsistait un doute quant au fait que le projet de parc éolien serait susceptible de porter atteinte à l’état de conservation des populations de sept autres espèces d’oiseaux présentes dans les zones d’intérêt communautaire « Camargue », « Iles Marseillaises-Cassidaigne » et « Iles d’Hyères ».
Toutefois, la cour a considéré que les conditions prévues par le code de l’environnement pour admettre une dérogation au principe de l’interdiction de destruction d’espèces animales protégées étaient remplies.
Pour arriver à cette conclusion, elle a tenu compte de l’absence de solutions alternatives quant à la localisation de ce projet, qui avait fait l’objet d’une longue concertation avec les acteurs professionnels comme avec les responsables environnementaux.
Elle a également relevé les nombreux avantages que présentait ce parc expérimental flottant, qui permettra la mise en œuvre de plusieurs techniques novatrices, et notamment l’expérimentation d’un type de flotteur dit « à lignes d’ancrage tendues », à moindre impact environnemental. Le choix d’éoliennes à haut rendement permet également de limiter à trois le nombre d’appareils tout en développant 24 MW de puissance, tandis que la localisation du site à quelque14 km des côtes permet de limiter les conflits d’usage. La cour a aussi relevé les motifs impératifs d’intérêt public majeur liés à ce projet, tenant au nécessaire développement des énergies renouvelables, qui permet de lutter contre le changement climatique par la réduction des gaz à effet de serre.
Enfin, la juridiction a vérifié l’effectivité des mesures de compensation environnementale mises à la charge de l’exploitant.
L’ensemble de ces considérations ont permis, en définitive, à la cour de reconnaître la légalité de l’autorisation délivrée pour l’exploitation de ce parc pilote, y compris en ce qu’elle autorise, dans une mesure très limitée, à déroger à l’interdiction de destruction de certaines espèces animales protégées.
Lien vers l’arrêt : CAA de Nantes, 5 avril 2022, Association Nature et citoyenneté Crau Camargue Alpilles (NACICCA), n°19NT02389.