Illégalité des arrêtés préfectoraux autorisant la destruction dans trois départements bretons de l'espèce d'oiseau protégée "Choucas des tours".

Décision de justice
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Par trois arrêts du 17 décembre 2024, la cour administrative d’appel de Nantes annule les arrêtés préfectoraux autorisant la destruction de choucas des tours, espèce protégée, dans les départements du Finistère, du Morbihan et des Côtes d’Armor.

 

Communiqué de presse

Nantes, le 17 décembre 2024

Le choucas des tours est une espèce protégée par l’arrêté du 29 octobre 2009 des ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement qui fixe la liste des oiseaux protégés sur l’ensemble du territoire, en application de la directive européenne du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages. Ces oiseaux causant des dommages aux cultures, dans le Finistère où leur population est la plus nombreuse, mais également dans les Côtes-d'Armor et dans le Morbihan, les préfets de ces départements ont adopté, depuis plusieurs années, des arrêtés autorisant à titre dérogatoire des quotas croissants d’effarouchement et d’abattage de choucas des tours. Au titre de périodes différentes, comprenant toute l’année 2022, ces arrêtés préfectoraux ont ainsi autorisé l’abattage et l’effarouchement de 1 800 choucas des tours dans le Morbihan, de 8 000 dans les Côtes-d'Armor et de 16 000 dans le Finistère.

Les trois arrêtés préfectoraux intervenus en 2022 ont été annulés, à la demande des associations Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), Bretagne Vivante SEPNB, et One Voice, par des jugements du 15 décembre 2022 du tribunal administratif de Rennes, pour des vices de forme ou de procédure.

Par trois arrêts du 17 décembre 2024, et à la demande des associations LPO et Bretagne Vivante SEPNB, la cour administrative de Nantes confirme l’annulation de ces mêmes arrêtés préfectoraux, mais cette fois ci pour un motif de fond : pour violation de l’article L. 411-2 du code de l'environnement qui définit les conditions dans lesquelles il est possible, à titre dérogatoire, de détruire ou d’effaroucher des espèces animales protégées. En vertu de cet article, l’autorité administrative peut déroger à cette interdiction dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant, d’une part, à l’absence de solution alternative satisfaisante, d’autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l’un des cinq motifs limitativement énumérés, parmi lesquels figure la prévention des dommages importants notamment aux cultures et à d’autres formes de propriété.

Si la cour admet que deux de ces conditions sont remplies, considérant que les choucas des tours causent des dommages importants aux cultures et que la dérogation accordée ne compromet pas la survie de cette espèce, elle juge en revanche, au regard des pièces du dossier fournies par les parties, que ces arrêtés ne remplissent pas, au titre de l’année 2022, la troisième condition, la cour estimant qu’il existe des solutions alternatives satisfaisantes aux abattages ou à l’effarouchement autorisés par les préfets des trois départements. La cour fonde cette appréciation sur plusieurs documents scientifiques : une étude réalisée en 2022, à la demande de l’Etat, par l’université de Rennes et les avis émis par le conseil scientifique régional du patrimoine naturel de Bretagne, qui considèrent l’un et les autres que les autorisations d’abattre ou d’effaroucher ces oiseaux, accordées depuis plusieurs années, n’ont pas permis de limiter l’augmentation du nombre de choucas des tours et qu’il existe des solutions alternatives permettant de limiter durablement cette croissance, telles que l’obstruction des cheminées afin de réguler leur nidification et la limitation par différents procédés de leur accès aux ressources agricoles afin de se nourrir.

 

Lien vers les arrêts CAA Nantes, 17 décembre 2024, LPO BRETAGNE et ASSOCIATION BRETAGNE VIVANTE – SEPNB, n°s 23NT00337, 23NT00338 et 23NT00339