Arrêt M. T. du 20 mai 2011 n° 10NT00875
M. T., éleveur-propriétaire de chevaux de course dans le Calvados, dont l’élevage est alors réputé pour la qualité de ses trotteurs - plusieurs d’entre eux ont remporté des courses classiques ou semi-classiques-, a été condamné, en 2002, à un an de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende pour complicité d’abus de biens sociaux et détournement d’actifs au préjudice de sociétés. La société d’encouragement à l’élevage du cheval français, répondant à une demande exprimée le 23 mars 2003 par le ministre de l’intérieur, a alors prononcé à l’encontre de M. T., le 22 septembre 2003, le retrait des agréments dont il bénéficiait pour exercer sa profession. Cependant, ces agréments lui ont été restitués en avril 2004 à la suite de l’annulation par un jugement du 16 mars 2004 du tribunal administratif de Caen, devenu définitif, de la demande de retrait du ministre de l’intérieur, au motif de son insuffisante motivation.
M. T., qui n’a pu faire courir ses chevaux entre le 6 octobre 2003 et le 5 avril 2004, a recherché, devant le tribunal administratif puis devant la cour, la condamnation de l’Etat à lui verser une somme supérieure à 800.000 euros en réparation des divers préjudices qu’il estime avoir subis du fait du retrait illégal des agréments dont il bénéficiait : perte de chance de victoires de ses trotteurs, perte de valeur des chevaux à la vente, divers frais engendrés par le retrait d’agréments, préjudice moral.
L’arrêt de la cour rappelle, tout d’abord, les dispositions du décret du 5 mai 1997, prises en application de la loi du 2 juin 1891 réglementant l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux, aux termes desquelles la société d’encouragement est tenue de retirer les agréments dont bénéficient les professionnels du monde des courses de chevaux dès lors que le ministre de l’intérieur le lui demande. L’arrêt vise et cite, ensuite, un code peu sollicité par le juge administratif, celui des courses au trot, lequel prévoit un régime de sanctions pour les professionnels des courses au trot.
L’arrêt relève, classiquement, que le vice de forme entachant la légalité de la décision du ministre n’est pas, par lui-même, de nature à ouvrir droit à réparation et constate que le comportement répréhensible de M. T. ne pouvait pas être sans effet sur les garanties morales qu’il se devait de présenter, en sa qualité de professionnel, dans le milieu particulier des courses de chevaux. Il en tire la conséquence que le ministre n’a pas commis d’erreur d’appréciation –le juge exerce un contrôle normal en matière de retrait d’agrément- en demandant le retrait des agréments dont bénéficiait l’éleveur-propriétaire. La décision étant justifiée au fond, M. T. n’a droit à aucune réparation.
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